08/02/2016
Karl Ove Knausgaard : Jeune homme
Karl Ove Knausgaard, né en 1968 à Oslo, est un romancier norvégien connu pour son cycle de six romans autobiographiques intitulé Mon combat. Après des études d'art et de littérature à l'université de Bergen il publie un premier roman en 1998 et reçoit pour son livre le prix de la Critique. Karl Ove Knausgaard vit en Suède avec sa femme, elle aussi écrivain, et leurs enfants. Jeune homme, troisième volume du cycle, vient de paraître.
Ce nouveau volet de l’œuvre autobiographique de Karl Ove Knausgaard revient sur les treize premières années de sa vie, une parenthèse entre deux déménagements, l’un qui ouvre le texte à l’été 1969 et l’autre qui le clôt avec la perte des amis d’enfance, l’entrée au collège, une autre vie qui commence.
Je reconnais avoir été étonné que l’écrivain revienne sur cette période de sa vie, car elle avait déjà été abordée dans la première partie de son premier livre, La Mort d’un père. Certes, ici elle est plus développée, mais bon… première petite déception. Nous retrouvons donc, la famille Knausgaard, le père professeur de collège et membre du conseil municipal, la mère qui s’occupe de personnes dépendantes et Yngve le frère aîné de quatre ans. La vie de l’écrivain n’est jamais extraordinaire, elle est même très commune, nous suivons son évolution qui passe par l’école, ses copains et les virées en vélo, les matchs de football, la musique rock, les filles… Seconde déception, il m’a semblé que le bouquin ne décollait vraiment qu’après la trois-centième page, sans pour autant que l’ennui me gagne je tiens à le préciser.
Mais là, enfin, j’ai retrouvé l’attrait de l’écriture de Karl Ove Knausgaard, un « truc » qui ne s’explique pas, une sensation indescriptible, soudain alors que rien de vraiment original ne saute aux yeux à la lecture des péripéties narrées, le lecteur est pris et retrouve tout ce qui fait le charme de cette saga. Nous découvrons dans ce livre, une facette de la personnalité de l’écrivain encore enfant, un gamin pas sûr de lui, pas bien costaud, pleurant facilement et surtout nous avons des précisions supplémentaires, par rapport aux deux tomes précédents, sur le caractère de son père, un homme très dur, parfois violent, strict dans l’éducation de ses enfants, au point de faire régner une sorte de terreur familiale dès qu’il rentre à la maison. Karl Ove en a peur, lui vouant une haine mortelle d’un côté mais cherchant désespérément à bien faire et obtenir des compliments de sa part, en vain.
L’écrivain le souligne à un moment, pour lui à cette époque il y avait deux mondes, le monde extérieur et celui à l’intérieur du domicile familial. Le monde extérieur est vivant, ce qui ne veut pas dire pour autant amusant, les copains, le football etc. mais aussi les vexations ou humiliations subies de la part des autres gamins ; l’autre monde, chez lui, la trouille permanente comme une épée de Damoclès sur sa tête (« Rien que de penser à papa, à son existence, la peur s’empara violemment de moi »), une vie à l’ordre quasi militaire sous la férule d’un père cyclothymique qui interdit tout mouvement déplacé, avec lequel on ne peut discuter ou seulement émettre un avis. Seule la mère apporte un léger réconfort (« Car s’il y avait quelqu’un au fond de ce puits qu’est l’enfance, c’était bien elle, ma mère, maman »), mais pour Karl Ove, ce n’est que de ce père détesté qu’il voudrait obtenir les faveurs.
Encore un bon bouquin de Karl Ove Knausgaard mais, à mon avis, inférieur aux deux volets précédents.
« J’avais une telle peur de lui que même avec la meilleure volonté du monde je n’arrive pas à recréer les sentiments que j’éprouvais à son égard. Je n’en ai jamais plus ressenti de semblables depuis, pas même quelque chose d’approchant. Ses pas dans l’escalier, est-ce qu’il venait dans ma chambre ? La rage folle dans son regard. Le rictus de sa bouche, ses lèvres qui s’écartaient de façon incontrôlée. Et puis sa voix. J’en pleurerais presque maintenant en l’entendant en moi. Sa colère déferlait comme une vague à travers les pièces et venait me frapper, me frapper et me frapper encore, puis elle se retirait. Et le calme pouvait durer plusieurs semaines. Mais ce n’était pas vraiment le calme car elle pouvait revenir deux minutes comme deux jours plus tard. Il n’y avait aucun signe avant-coureur. Brusquement il était en colère. »
Karl Ove Knausgaard Jeune homme Denoël & D’ailleurs - 582 pages –
Traduit du norvégien par Marie-Pierre Fiquet
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